Le double comportement coutumier des Patrons.
Non, je ne suis pas très surpris, car ayant fait partie pendant
quelques temps du sérail*, (à l’époque du CNPF), je connais assez
bien le principe du double langage, pratiqué chez les chefs
d’entreprises. Précisons d’ailleurs à la décharge des patrons
Français, qu’ils ne sont pas les seuls à l’utiliser. Les Japonais
qui l’ont érigé en institution, lui ont même donné un nom, le ‘honne-tatemae’.
Cette façon de parler à double sens, qui consiste à toujours bien
adapter ses communications au public auquel on s’adresse, permet
de masquer ses véritables pensées ou intentions. Ce parler-faux,
différent selon son usage, interne ou externe, génère une
désinformation permanente, qui est à coup sûr, la raison pour
laquelle le patronat n’est jamais très bien compris.
- Un exemple concret de ce double comportement, est donné lors des
réunions mensuelles patronales. En effet, ce qui m’a toujours
surpris chez vous les patrons, c’est que pris séparément vous êtes
quasiment tous des gens bien. Dans une grande majorité vous êtes
bons, compréhensifs, en un mot Humains, et souvent même vous êtes
aimés de votre personnel. Mais le problème est que, dés que vous
êtes réunis entre vous, ces belles qualités vous tenez à les
cacher ! C’est à celui qui sera le plus dur, le plus féroce, le
plus inhumain. C’est à celui qui fera la plus forte impression
d’âpreté et de méchanceté pour se faire admirer de ses pairs. Là,
il vaut mieux passer pour une peau de vache que pour un brave
type !
- Un autre exemple de double comportement est apparu lors de la
mise en place des 35 heures. Dés le début vous vous êtes tous
élevé contre cette disposition destinée pourtant à réduire le
chômage. Ensemble, vous avez crié haut et fort que cette réduction
d’horaire était absurde et dangereuse et qu’elle allait mettre en
péril toute notre économie . Il n’empêche que chacun de vous, pris
séparément, n’y était pas farouchement opposé. Au point
d’ailleurs, que de nombreuses entreprises et notamment des
grandes, ont mis les 35 heures en place, presque avant l’heure !
Et je suis quasiment certain qu’aujourd’hui, une forte majorité de
ces chefs d’entreprises doivent se louer d’avoir pris cette
décision, car la Réduction du Temps de Travail, la fameuse R.T.T.
aurait, contre toute attente, amélioré leur compétitivité.
Au MEDEF, la chasse à la
compétitivité est ouverte.
Au nom de la sacro-sainte rentabilité et du profit à tout va, le
patronat veut à tout prix sauvegarder la compétitivité des
entreprises. Bien oui, mais les hommes on s’en fout ! Plus ils
accroissent leur productivité, plus on les licencie. Normal, on
jette bien les kleenex lorsqu’ils ont servis ! Par cet égoïsme
invétéré, on pourrait même imaginer que lors de leurs réunions
mensuelles, les patrons, notamment ceux du CAC 40, donnent à
présent leur taux d’efficacité, leur « Score BRIO ». Un score, qui
en raison de ses critères doit bien sûr rester confidentiel. Mais
on aurait appris grâce à un ‘micro caché’, que les bases de calcul
de ce taux seraient : d’une part, le nombre de personnes
licenciées dans le mois, et d’autre part, le pourcentage de la
hausse des bénéfices. Ce ratio serait pondéré par le taux de
modernisation et d’automatisation du matériel. Un jour, le micro
caché aurait même saisi des bribes de conversations faites en
aparté entre deux patrons :
- Dis Michel, et toi t’en as dégommé combien ce mois-ci ?
- De quoi ? Des perdreaux ? (Michel est un grand chasseur)
- Mais non abruti, des Salariés !
Comment avez-vous osé parler de
« France paresseuse » ?
Depuis quelques temps, aidé en cela par le Gouvernement, le MEDEF
s’est lancé dans une vaste campagne de désinformation aussi
insidieuse que dangereuse pour la Nation. Pour donner un sens à
leurs méprisables ambitions et culpabiliser les Citoyens, ils ont
inventé le terme honteux de « France paresseuse ». Dépités de ne
pas avoir tous les salariés à leurs bottes, et obéissants comme
des toutous, ils veulent faire accroire que tous les Français sont
des fainéants. Non Messieurs, ne vous en déplaise, la France n’est
pas paresseuse ! Il serait même plus juste de parler de « France
intelligente », pour avoir compris en premier que le labeur
excessif ne fait pas le bonheur. Et aussi de « France Modèle »
qui, au-delà de ses compétences technologiques et de son
patrimoine culturel a, qu’on le veuille ou non, servi et sert
encore d’exemple et de creuset d’expérimentations sociétales, à
presque tous les autres Pays industrialisés! Et n’en doutons pas,
les 35 heures et le principe de la « réduction progressive du
temps de travail, en fonction de l’accroissement des progrès
technologiques », feront date demain.
Mais assez philosophé, je voudrais quand même tordre le cou à
certaines contre-vérités que vous assénez de façon péremptoire
dans cette honteuse campagne de désinformations que vous menez et
qui a été reprise par l’un de vos éminents membres, Monsieur
Edouard Michelin dans le long interview qu’il a accordé au FIGARO
économie, le 30 Septembre dernier.
Le grand avènement d’un fils à
papa.
On ne présente pas Monsieur Michelin car tout le monde se souvient
de lui ; c’est en effet le premier patron qui, il y a quelques
années a fait l’énorme boulette d’annoncer, quasiment en même
temps, des centaines de licenciements et un accroissement
substantiel de ses bénéfices. C’est d’ailleurs de cette
incohérence possible à laquelle personne n’avait pensé, qu’une
nouvelle Loi est née ! A part la mauvaise intention, cette erreur
de jeunesse est très compréhensible, quand on sait que le jeune
Edouard, fils de son père, a hérité du jour au lendemain, d’une
des plus grosse fabrique de pneumatiques du monde. C’est ainsi que
trop jeune et sans expérience, il est directement entré dans la
cour des grands, du fameux CAC 40.
Mais il promet le jeune P.D.G., il pige vite ! Il est vrai qu’à
vivre avec les loups, on devient vite loup. On peut déjà
remarquer, qu’il a été le seul grand patron à refuser de divulguer
le montant de sa rémunération totale pour 2 003. On sait néanmoins
par la presse, qu’il est dans le trio de tête. On sait aussi que
c’est lui qui s’est accordé la plus forte augmentation de salaire
de tout le CAC 40. Une hausse de 146 % , pour atteindre la
bagatelle de 4,26 millions d’euros, pour l’année 2 003. (Soit pour
les anciens, près de 3 milliards de centimes). Oui, Oui, c’est
vrai, dixit la presse économique ! Pour résumer, disons qu’en tant
que grand patron social qu’il veut être, lorsqu’il augmente les
salaires de ses employés de 2,5 %, lui, Monsieur Edouard Michelin,
multiplie tout bonnement le sien, par 3 ! C’est du social à
rebours.
Vous dites
qu’avec les 35 H. les salariés sont moins impliqués par le travail
et qu’un climat général incite plus à l’assistanat qu’à la
volonté de gagner. Faux
Messieurs ! C’est vous qui cherchez, avec votre double langage, à
développer une ambiance de sinistrose généralisée qui pénalise, et
l’économie et le moral, de la France entière ! En effet, ce ne
sont pas les 35 H., mais votre incroyable incompétence et
ignorance des sciences humaines, qui démotivent totalement les
travailleurs. Y compris le fait, que lorsque des entreprises
‘gagnent’ ce sont vous, les patrons, les cadres et les
actionnaires, qui empochez toute la mise. Pourquoi donc
voulez-vous que les salariés eux, se ‘décarcassent’ ? Aujourd’hui,
ils ont compris que sans …., ils seront toujours les dindons de la
farce. Ils ne sont ni idiots ni masos !
Vous dites que les 35 H. ont fait perdre 10% de productivité et de
pouvoir d’achat au Pays.
Totalement faux ! Et sur ce plan, quelle mauvaise foi évidente de
l’ensemble du patronat. Depuis l’avènement des 35 H. les
entreprises n’ont jamais fait autant de bénéfices ! Comment
pouvez-vous, vous personnellement Monsieur Michelin, expliquer
autrement, les résultats époustouflants de votre entreprise ces
dernières années ? Oui ! comment pouvez-vous expliquer que, rien
que pour le premier semestre 2 004, vous puissiez déclarer un
quasi-doublement de votre bénéfice net, à près de 330 millions
d’euros. Et ce attention, après avoir payé les larges
augmentations de salaires de votre staff, les juteux dividendes de
vos actionnaire et aussi n’oublions pas, le ‘triplement’ de votre
belle rémunération. Et après cela vous osez dire que la
productivité de vos salariés a baissé ! Chapeau Monsieur et merci
pour eux !
Vous avez beau jeu après cela de parler de ‘Pouvoir d’Achat’.
Vous, et tous vos pairs n’avez jamais réalisé que l’accroissement
du P.A., c’est à vous patrons, qu’il incombe ! Tout simplement
par le ‘Partage Equitable’ des résultats des entreprises. En
donnant un peu moins en haut et un peu plus en bas.
Vous dites aussi que les coûts de production sont trop lourds,
parce que le SMIC et les bas salaires sont trop élevés. Faux !
Quelle hypocrisie ! Comme si les hauts salaires et les avantages
que vous vous allouez, ne faisaient pas partie de la masse
salariale ? Réduisez l’ensemble de vos hautes rémunérations
abusives et vous verrez ensuite, comment vos prix deviendront
compétitifs !
Vous dites, avec le MEDEF, que les 35 H. n’ont pas créé beaucoup
d’emplois ! Vrai ! Mais
par votre faute Messieurs ! Et là, votre technique du « double
langage » a fait fort : Vous avez feint de croire que la loi des
35 H. était le but final à atteindre, alors que vous saviez très
bien que la véritable finalité de cette loi, était de réduire le
chômage en créant massivement des emplois. Dans ces conditions,
ayant analysé que de passer de 39 à 35 h., c’était réduire les
horaires de 10 %, vous avez incité discrètement, en catimini,
toutes les ouailles patronales à tout faire pour accroître leur
productivité de 10 %, afin de ne pas avoir à embaucher lors de
l’application de la Loi. C’est ainsi que les entreprises ont
modernisé et automatisé leurs matériels au maximum, ont motivé et
joué à fond la carte des ressources humaines, ont amélioré et
rationalisé leurs organisations, afin de gagner un maximum en
productivité. De cette façon, les entreprises étant parvenues
sensiblement à la même production, n’ont pas eu à embaucher
lorsque les 35 H. furent venues, Et cerise sur le gâteau, avec
cette astuce machiavélique, des patrons ont néanmoins profité de
toutes les primes et subventions que l’Etat à largement distribué
pour aider à la R.T.T. ! L’effet d’aubaine, vous connaissez ?
Autre cerise : c’est ce fort accroissement des investissements
productifs de l’époque, qui génère les résultats exceptionnels et
imprévus que font les entreprises aujourd’hui.
Cessez de répéter que la France ne
travaille pas assez !
Il est notoire d’affirmer, et dans le monde des affaires on y
excelle, que l’on peut faire dire aux chiffres tout ce que l’on
veut ! Après l’aspect ô combien négatif du MEDEF, je vous propose
un calcul simpliste certes, mais plus positif et très
significatif : Supposons qu’aujourd’hui la population active de la
France, soit approximativement de 20 Millions de personnes et que
l’horaire hebdomadaire soit de 39 heures comme précédemment : nous
aurions par semaine un total d’heures travaillées de :
20 000 000 personnes X 39
heures = 780 Millions d’heures de production
Supposons à présent, que l’on réduise les horaires de 10 %, pour
passer à 35 heures, et qu’en compensation, l’on embauche 10 % de
chômeurs en plus - soit 2 millions-, nous aurions un total de :
22 000 000 de salariés X 35
heures = 770 Millions d’heures de production
C'est-à-dire, très sensiblement la même production. Avec la
différence que nous aurions mis 2 millions de chômeurs au
travail ! Que vaut-il mieux avoir, 20 millions de salariés qui
travaillent comme des dingues, stressés et saturés d’heures sup.,
ou bien, 22 millions de personnes qui travaillent sereinement,
sans pression et avec des temps judicieux de repos et de loisirs ?
Nous aurions là une France plus intelligente et plus réaliste,
qui une fois de plus jouerai pleinement son rôle de précurseur
sociétal
Oui, mais qui va payer ? Pour peu que l’on y réfléchisse c’est en
grande partie déjà payé, par les charges salariales versées par
les entreprises au titre du chômage. Car si, avec les 35 H., l’on
réduit le nombre de chômeurs, supposons de 70 %, rien de plus
normal que de récupérer 70% de ces charges patronales et
salariales! Il est quand même plus logique de payer des chômeurs
au travail, qu’à ne rien faire. Ces chiffres sont approximatifs,
bien sûr, …. il reste à nos éminents économistes de cogiter …….
Pour le grand
patronat, s’opposer à la R.T.T. est un combat perdu d’avance.
On voit bien aujourd’hui, contrairement à ce que nous disaient
tous nos experts économiques, que jamais la croissance ne réduira
le chômage. Quand admettront-on enfin, que « c’est la différence
entre les taux de productivité et les taux de croissance qui crée
ou détruit des emplois. »*. Et que lorsque, dans un marché donné,
les gains de productivité générés par le progrès deviennent trop
élevés, il n’y a pas d’autre solution, qu’on le veuille ou non,
que de Réduire le Temps de Travail !
C’est ainsi que d’un horaire
hebdomadaire de 80 H. en 1850, nous sommes progressivement
parvenus, grâce à nos progrès technologiques, à 39 H. en 1982.
Soit en 130 ans une réduction moyenne de temps de travail de : une
heure tous les 3 ans ! Alors pourquoi, pour quelles raisons
occultes devrions nous, aujourd’hui en 2 004, nous arrêter au
chiffre fatidique de 39 H. de travail par semaine ? Le progrès des
hommes, lui, ne s’arrête jamais. Heureusement, car c’est par lui
que l’humanité avance ! Et ce n’est pas parce que les 35 H., à la
sauce AUBRY, sont une aberration totale qu’il faille les jeter
avec l’eau du bain. Que vous l’admettiez ou pas, cette R.T.T. est
obligatoire, si l’on veut vraiment réduire le chômage ! Alors,
tout MEDEF que vous soyez et quelque soit l’intérêt matériel que
vous cherchez, rien ni personne ne pourra arrêter l’irrésistible
progression vers le haut de l’humanité ! Au niveau où nous sommes
déjà parvenus en ce début de troisième millénaire, des entreprises
oui bien sûr, mais au service de l’Homme ! Et non pas l’inverse !
Pourtant Messieurs les patrons, si vous saviez,…… Si vous
vouliez……*
Raymond
MONEDI
« Cercle P.E.P. »
Octobre 2004
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